Close

Choisissez votre rubrique

Vive les fonctions exécutives !

LA RUBRIQUE À DAVID

J’ai 10 doigts dans 2 mains, combien ai-je de doigts dans 10 mains ? Vive les fonctions exécutives !

Si vous êtes intrigués par cet énoncé et que vous vous sentez hésitants pour y répondre, c’est parce que votre cerveau a très envie de raisonner à l’économie en faisant appel à des mécanismes inconscients, rapides, associatifs et automatiques.

 

Cependant lorsque votre cortex cingulaire antérieur détecte une erreur de raisonnement, vous n’avez plus le choix ; il faut se résoudre à faire appel à un acteur beaucoup plus coûteux de votre cerveau : le cortex préfrontal et son équipe d’ingénieurs que sont les fonctions exécutives, lentes, logiques, hésitantes.

 

Les fonctions exécutives recouvrent les processus cognitifs dont nous avons besoin lorsque nous faisons face à une situation inhabituelle ou nouvelle, nécessitant la mise en œuvre de mécanismes non routiniers, non automatiques.

Elles nous permettent de nous adapter aux situations problématiques, de transférer nos apprentissages à des situations variées, de lutter contre des schémas de pensée automatiques qui nous conduisent à des erreurs.

Fonctions exécutives - Ana-Nour Togo

Trois fonctions essentielles et interdépendantes

Le modèle cognitif de Miyake (Miyake et al., 2000) fait consensus (précisions qu’il existe d’autres modèles) et regroupe les fonctions exécutives en 3 capacités principales : la mémoire de travail, la flexibilité cognitive et l’inhibition. Notons toutefois qu’il existe d’autres modèles.

 

La mémoire de travail nous permet de retenir et de manipuler les informations pertinentes pendant quelques secondes, le temps de mener à bien notre raisonnement. Prenons l’exemple d’un enfant en situation de résolution d’un problème arithmétique. Pour aller au bout de sa réflexion, il lui faut lire l’énoncé et débuter son raisonnement sans oublier les paramètres chiffrés du problème.

 

Si par ailleurs l’énoncé de l’exercice l’incite à utiliser à tort un mode de raisonnement qui n’est pas adapté, l’enfant devra faire appel à une capacité cognitive lui permettant de lutter contre un automatisme ou une pensée automatique : intervient alors la fonction exécutive d’inhibition.

 

Mais quand bien même l’enfant prend conscience que son raisonnement n’est pas pertinent et parvient à l’inhiber, il lui faut ensuite réussir à ne pas persévérer sur son erreur et orienter différemment sa réflexion, de manière à obtenir des solutions qu’il ne peut pas concevoir s’il reste inflexible : cela nécessite une troisième fonction exécutive : la flexibilité cognitive.

 

Ces fonctions exécutives de base sont fortement interdépendantes et permettent le développement de capacités cognitives plus élaborées, telles que le raisonnement, la planification ou la résolution de problèmes.

Les fonctions exécutives jouent un rôle prépondérant dans le développement des enfants et leur future vie d’adulte. Elles conditionnent les apprentissages et sont transversales à tous les domaines, de l’école maternelle à l’Université, et prédisent même la réussite scolaire davantage que le Quotient Intellectuel (Moffitt et al., 2011). Plus tard, elles favorisent la réussite professionnelle et la capacité à se faire des amis (et à les conserver !)

Le cortex préfrontal aux commandes

Le cerveau : les lobes

La maturation cérébrale obéit toujours au même sens de progression, à savoir de l’arrière du cerveau vers l’avant. La région du cerveau qui se développe en dernier correspond donc au lobe frontal. Cette loi est respectée tant d’un point de vue ontogénétique – le cerveau mature de l’arrière vers l’avant durant l’enfance – que phylogénétique – cet axe de maturation est également observé durant l’évolution de l’espèce humaine.

Les premières recherches en neuropsychologie ont identifié très tôt un lien pertinent entre les régions frontales du cerveau et les fonctions exécutives. La localisation préférentielle de ces fonctions cognitives de haut niveau dans les régions du cerveau qui sont apparues récemment à l’échelle de l’évolution n’est pas un hasard. Les fonctions exécutives et la région frontale du cerveau qui leur est associée représentent en effet ce qui différencie le plus, d’un point de vue cérébral, l’espèce humaine des autres animaux.

Plus récemment, de nombreuses études ont révélé l’implication exécutive d’un réseau neuronal plus large, associant d’autres régions cérébrales interconnectées avec le cortex préfrontal (Leh et al., 2010).

Créer un contexte éducatif favorable aux fonctions exécutives

Fonctions exécutives - Ana-Nour Togo

Le stress, les symptômes dépressifs, le manque de sommeil, un sentiment d’isolement social, impactent négativement les fonctions exécutives. Ces facteurs perturbent les connexions fonctionnelles entre le cortex préfrontal et les autres régions cérébrales (Liston et al., 2009).

À contrario, les sentiments de bonheur, de joie et d’appartenance sociale sont autant de facteurs à favoriser pour développer l’efficience des fonctions exécutives (Gable et Harmon-Jones, 2008). Ce contexte émotionnel sera encore plus bénéfique sur le développement intellectuel de l’enfant si l’enseignement développe un état d’esprit de croissance. Il s’agit d’inculquer au quotidien aux enfants le fait que leurs capacités intellectuelles ne sont pas fixes mais qu’elles peuvent croître s’ils prennent confiance en leur capacité à changer, en dépassant leur zone de confort, en apprenant de leurs erreurs et en allant au-delà de ce qu’ils maîtrisent (Murphy et Dweck, 2010).

Signalons enfin une intervention qui a fait ses preuves pour favoriser le développement des fonctions exécutives chez les enfants : l’activité physique (Scudder et al., 2014). Faire bouger les enfants, les maintenir actif le plus possible, apporter une dimension ludique aux exercices moteurs favorisera leurs performances motrices mais aussi assurément leur fonctionnement cognitif !

David Le Prunénec, neuropsychologue

David Le Prunénec, neuropsychologue, nous a fait le plaisir d’ouvrir une nouvelle rubrique sur le blog Ana-Nour dans laquelle il partagera quelques précieux éclairages sur le fonctionnement de notre cerveau.

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur David, nous vous invitons à le retrouver sur sa page LinkedIn.

Pour en savoir plus – Les sources

Miyake A, Friedman NP, Emerson MJ, Witzki AH, Howerter A, Wager TD. The unity and diversity of executive functions and their contributions to complex « Frontal Lobe » tasks: a latent variable analysis. Cogn Psychol. 2000 Aug;41(1):49-100. doi: 10.1006/cogp.1999.0734. PMID: 10945922.

 

Moffitt TE, Arseneault L, Belsky D, Dickson N, Hancox RJ, Harrington H, Houts R, Poulton R, Roberts BW, Ross S, Sears MR, Thomson WM, Caspi A. A gradient of childhood self-control predicts health, wealth, and public safety. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011 Feb 15;108(7):2693-8. doi: 10.1073/pnas.1010076108. Epub 2011 Jan 24. PMID: 21262822; PMCID: PMC3041102

 

Leh, S., Petrides, M. & Strafella, A. The Neural Circuitry of Executive Functions in Healthy Subjects and Parkinson’s Disease. Neuropsychopharmacol 35, 70–85 (2010). https://doi.org/10.1038/npp.2009.88

 

C. Liston col2004@med.cornell.eduB. S. McEwen, and B. J. Casey

Edited by Michael I. Posner, University of Oregon, Eugene, OR January 20, 2009

106 (3) 912-917 https://doi.org/10.1073/pnas.0807041106

 

Gable, P. A., & Harmon-Jones, E. (2008). Approach-Motivated Positive Affect Reduces Breadth of Attention. Psychological Science, 19(5), 476–482. https://doi.org/10.1111/j.1467-9280.2008.02112.x

 

Murphy, M. C., & Dweck, C. S. (2010). A Culture of Genius: How an Organization’s Lay Theory Shapes People’s Cognition, Affect, and Behavior. Personality and Social Psychology Bulletin, 36(3), 283–296. https://doi.org/10.1177/0146167209347380

 

Scudder MR, Lambourne K, Drollette ES, Herrmann SD, Washburn RA, Donnelly JE, Hillman CH. Aerobic capacity and cognitive control in elementary school-age children. Med Sci Sports Exerc. 2014;46(5):1025-35. doi: 10.1249/MSS.0000000000000199. PMID: 24743109; PMCID: PMC4261924.