LA RUBRIQUE À DAVID
La nouveauté : une bonne surprise !
Durant leur scolarité, les enfants sont confrontés à des tâches cognitives qu’ils doivent répéter afin d’acquérir un degré d’expertise croissant pour diverses compétences. Ainsi se développent leurs capacités de lecture, d’écriture, de raisonnement logico-mathématiques.
Cet apprentissage par la répétition est permis par la création de nouveaux neurones, de nouvelles connexions neuronales et la réorganisation perpétuelle de ces connexions, permettant finalement d’aboutir à la formation de réseaux cérébraux experts dans leurs compétences respectives. Dès lors qu’un travail régulier d’apprentissage et de répétition des exercices est fourni par les élèves, la plupart des situations rencontrées sollicitent, activent les réseaux cérébraux concernées et permettent une résolution efficace du problème.
Face à un événement imprévu
Mais que se passe-t-il lorsqu’une situation nouvelle se présente, c’est-à-dire lorsque les réseaux neuronaux tels qu’ils ont été organisés par l’expérience ne sont pas à même de mener à la solution ?
Face à un événement imprévu, le cerveau réagit par l’émission d’un neurotransmetteur appelé noradrénaline, provenant du locus coeruleus, situé au centre du cerveau. La noradrénaline libérée module le niveau de surprise et nous aide à traiter ses effets en ajustant nos actions en fonction de nos attentes.
Une fois libérée, la noradrénaline va « diffuser » à travers le cortex préfrontal, notre planificateur en chef ! Cela va impacter le fonctionnement de nos capacités de planification et de coordination de nos comportements. Se confronter régulièrement à des événements imprévus est donc un moyen pour notre cerveau de développer de meilleures capacités d’adaptation, pour faire face ensuite plus efficacement aux situations nouvelles. Cela permet également de développer la flexibilité cognitive.
La planification, l’anticipation, la programmation d’actions stratégiques répondant à un objectif donné, la définition d’étapes successives à respecter, la vérification de leur bonne exécution, toutes ces tâches cognitives sont essentielles au développement de l’enfant pour assurer une scolarité réussie puis une bonne qualité de vie.
Certaines compétences, telles que l’acquisition de la lecture ou de l’écriture, requièrent, il est vrai, une répétition dans le temps des mêmes exercices, afin de renforcer des réseaux neuronaux sur du long terme. L’entraînement et la répétition de tâches cognitives est essentielles pour développer des réseaux de neurones et assurer une expertise cognitive technique : en s’entraînant à écrire, les enfants vont par exemple créer des connexions neuronales entre les aires cérébrales responsables du traitement phonologique et visuel et les régions assurant le contrôle du geste graphique.
Mais il convient aussi d’intégrer dans le parcours éducatif des enfants – à la maison comme à l’école – des activités sources de nouveauté et d’imprévu, afin de développer le cortex préfrontal et ses fonctions exécutives. C’est en effet uniquement face des situations nouvelles que les enfants pourront apprendre à inhiber un raisonnement automatique, qui fonctionne d’habitude mais qui s’avère obsolète face au problème rencontré. Parallèlement à la synchronisation neuronale obtenue par la répétition, le cerveau des enfants doit donc également être nourri par la nouveauté et la surprise, afin que la noradrénaline puisse assurer son rôle et aider le cortex préfrontal à assumer son rôle de planification, d’anticipation, de contrôle du comportement.
Bien raisonner c’est finalement savoir être créatif, sortir des sentiers battus, accéder à un esprit critique, développer ce qu’Oliver Houdé nomme la désynchronisation neuronale et la capacité de résistance cognitive par le processus d’inhibition du cortex préfrontal.
La réflexion initiée pour trouver une solution face à un évènement imprévu va ensuite aboutir à ce qu’on appelle l’Insight (illumination), c’est-à-dire la sensation de percevoir soudainement la solution. Ce phénomène issu des rouages du cortex préfrontal provient d’un ensemble de processus cognitifs (attention focalisée, conceptualisation, raisonnement logique) et active le cortex orbitofrontal, acteur du système cérébral de la récompense.
La nouveauté engendre donc d’abord un effort cognitif pour lutter contre un raisonnement automatique et créer un schéma de pensée adapté sollicitant le cortex préfrontal, mais procure ensuite une sensation de plaisir associée à la résolution soudaine du problème. Et c’est une bonne surprise !
David Le Prunénec, neuropsychologue, nous a fait le plaisir d’ouvrir une nouvelle rubrique sur le blog Ana-Nour dans laquelle il partagera quelques précieux éclairages sur le fonctionnement de notre cerveau.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur David, nous vous invitons à le retrouver sur sa page LinkedIn.
Pour en savoir plus – Les sources
Breton-Provencher et al., Spatiotemporal dynamics of noradrenaline during learned behabiour, Nature Communications, 2022.
Moffitt TE, Arseneault L, Belsky D, Dickson N, Hancox RJ, Harrington H, Houts R, Poulton R, Roberts BW, Ross S, Sears MR, Thomson WM, Caspi A. A gradient of childhood self-control predicts health, wealth, and public safety. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011 Feb 15;108(7):2693-8. doi: 10.1073/pnas.1010076108. Epub 2011 Jan 24. PMID: 21262822; PMCID: PMC3041102.
HOUDE Olivier, « Le rôle positif de l’inhibition dans le développement cognitif de l’enfant », Le Journal des psychologues, 2007/1 (n° 244), p. 40-42. DOI : 10.3917/jdp.244.0040.
Jacquemont, La créativité une récompense pour le cerveau, Cerveau et psycho N° 122, 2020